1. Introduction

1. Introduction

L’alpinisme, pris dans un sens large, est une activité variée et enrichissante.

Variée, parce qu’elle fait appel à un grand nombre de connaissances et de techniques.

Enrichissante, parce qu’elle permet à ceux qui la pratiquent d’acquérir et de perfectionner ces connaissances et ces techniques et surtout de développer un certain nombre de qualités physiques et morales.

 

Mais c’est aussi, faut-il le rappeler, une activité qui comporte des risques.

« Grimpez si vous le voulez, mais n’oubliez jamais que le courage et la force ne sont rien sans prudence, et qu’un seul moment de négligence peut détruire une vie entière de bonheur. N’agissez jamais à la hâte, prenez garde au moindre pas. Et dès le début, pensez que ce pourrait être la fin » Edward Whymper

Je vais essayer, dans les chapitres qui suivent, de faire un tour d’horizon des différents aspects de l’alpinisme d’été. Je passe volontairement sous silence l’alpinisme d’hiver et le ski, laissant à d’autres, plus expérimentés, le soin de vous en dévoiler les joies et les peines.

Mon intention n’est pas de traiter chacun des aspects de l’alpinisme d’été de façon approfondie et exhaustive, je n’en ai d’ailleurs pas les compétences. La démarche se veut plus pragmatique. Le propos est de faire un inventaire aussi complet que possible des éléments qui composent cette activité en mettant l’accent sur les points que l’expérience me fait considérer comme importants.

L’expérience dont je parle n’est pas celle d’un alpiniste de haut niveau. Pas de « premières », pas de « solitaires ». C’est l’expérience d’un montagnard moyen, ayant pratiqué la moyenne et la haute montagne par tous les temps, soit comme chef de course soit comme participant. En fait, semblable à l’aspiration de la majorité de ceux d’entre vous qui êtes en train de lire ces lignes.

Dans les pages qui suivent j’abandonne sciemment le terme « alpiniste » pour le remplacer par « montagnard ». Le mot montagnard me semble être plus proche de la conception que nous nous faisons de notre activité dans le milieu que nous aimons. Il recouvre aussi bien la joie d’atteindre une cime que le bonheur de vivre en parfaite communion avec la nature dans le respect de la flore, de la faune et des personnes qui y vivent.

C’est que la montagne, avant d’être un « terrain de jeu », est un milieu vivant, avec une civilisation vieille, forte et originale. Pour l’alpiniste, la montagne n’est souvent qu’une sorte d’abstraction physique qui ne prend son sens qu’à partir du moment où elle lui est utile – parois, aiguilles, glaciers… – le reste n’étant qu’un amalgame à traverser, sans intérêt. L’alpiniste parle plus volontiers d’horaire et d’inclinaison que de botanique ou de minéralogie; il grimpe avec un « Condor » et des « Makalu » plutôt qu’avec un piolet et des crampons. Le sommet de l’alpiniste est un but à atteindre, celui du montagnard est un moyen de vivre la montagne. En cas d’échec, le premier sera déçu, le second pas.

En outre, le préfixe « alpin » est restrictif. Il est possible de parcourir la montagne en d’autres lieux, tels que les Andes ou l’Himalaya.

Avant de parler technique, donnons une dimension temporelle et spatiale à notre activité. Quelques repères historiques pour nous aider à mieux comprendre la démarche intellectuelle de nos ancêtres montagnards, et quelques repères géographiques et géologiques pour situer et déchiffrer notre terrain d’évolution.

Poulies

Poulies

les poulies

Pour l’alpiniste, les poulies doivent être légères et simples d’utilisation. Elles sont surtout utilisées pour faire des mouflages, notamment lorsqu’il s’agit de sortir une personne d’une crevasse.  Pour faciliter ce type d’intervention, on peut utiliser une « poulie simple » et une « poulie-bloqueur »

Poulie simple

Poulie-bloqueur

Si l’on ne dispose pas de ce type de matériel il est possible d’utiliser un mousqueton à la place de la poulie simple, et un mousqueton couplé avec un nœud autobloquant (style Prussik ou Machard français) à la place d’une poulie-bloqueur.

Le mouflage est une technique de sauvetage relativement complexe. Pour être efficace et éviter des manipulations hasardeuses source de danger pour tous les membres de la cordée, il est nécessaire de suivre un cours de formation.

Ci-dessous un exemple de mouflage

Quel que soit le matériel utilisé il est essentiel de savoir s’en servir correctement.

Hormis le matériel de base, il existe une quantité importante de matériel technique de toute sorte, plus ou moins utile. Ne pas s’encombrer. La plupart des courses peuvent se faire avec un minimum de matériel. Lorsque le temps viendra de faire des courses de haut niveau, le matériel aura évolué et, de toute façon, expérience acquise, le matériel nécessaire deviendra une évidence.

Les fondamentaux de l’alpinisme

Toutes les connaissances acquises à la lecture des chapitres précédents
ne doivent en aucun cas faire oublier les règles de base de l’alpinisme

Ne pas tomber

L’essentiel est de toujours garder à l’esprit que toute ascension, quel que soit le terrain, est assujettie à la force de gravité.

La première consigne est donc de tout faire pour ne pas tomber.

Pour limiter les risques de chute, il est indispensable d’apprendre à marcher sur tout type de terrain. Que ce soit un sentier, une pente d’herbe, une pente de cailloux ou de blocs, ou une pente de neige.

Parcourir la moyenne montagne est une bonne façon d’acquérir la sûreté du pas indispensable à la pratique de la haute montagne.

Il est également important d’apprendre à grimper en utilisant ses quatre membres, ainsi qu’à gérer l’effort et l’appréhension du vide.

S’entraîner à l’escalade en salle, ou en extérieur sur des blocs, est une bonne façon d’acquérir l’équilibre, de développer la coordination des mouvements, et de s’habituer au vide.

Ne pas s’épuiser

Une course en haute montagne est également assujettie à toute une série de facteurs qui influent sur l’organisme humain. La fatigue, le froid, l’altitude, et parfois la peur.

Parcourir la moyenne montagne par tout type de temps est une bonne façon d’apprendre à se connaître, d’aguerrir son corps et de forger son mental.

Penser à garder de l’énergie en réserve en cas de coup dur.

Ne pas paniquer

Quels que soient les difficultés, les imprévus ou les incidents, être conscient qu’il existe toujours une issue.

Connaissance de soi et du milieu, acquis techniques, évaluation sereine de la situation et une dose d’imagination, permettent la plupart du temps de se sortir de situations délicates.

Le talent du montagnard, et aussi sa plus grande difficulté,
c’est de choisir la bonne technique pour le bon usage au bon moment.

Le facteur de chute

le facteur de chute / fall factor

Le danger ne vient pas de la chute elle-même mais de la force du choc lors de l’arrêt;
Tout dépend du facteur de chute.

The danger does not come from the fall itself but from the force of the shock when stopping;
It all depends on the fall factor.

La théorie

Quand un corps chute il accumule de l’énergie. Quand la chute se termine, cette énergie accumulée – la force de choc – se réparti entre tous les éléments de la chaîne d’assurage. Donc, plus il y a d’éléments plus la force de choc sera répartie.
Cependant, la corde étant dynamique, c’est elle qui va absorber la plus grande partie de la force de choc.

Le facteur de chute est calculé en divisant la longueur de la chute par la longueur de la corde déployée entre celui qui assure et celui qui tombe.

Exemple 1

Curieusement, le premier relais intermédiaire est situé à 5 mètres au-dessus du relais principal. Je pars quand même. Manque de chance, je lâche prise juste avant d’avoir mousquetonné ma dégaine. Dans cet exemple, je tombe de 10 mètres alors que la longueur de la corde déployée n’est que de 5 mètres:
FACTEUR DE CHUTE = 10 / 5 = 2 …ET LE CHOC EST MAXIMAL (SOIT L’EQUIVALENT DE QUELQUES 12 kN).

Exemple 1bis

Je grimpe dans les règles de l’art et je place un premier point de renvoi à 2.5 mètres au-dessus du relais. Comme dans l’exemple 1, je lâche prise juste avant d’avoir mousquetonné le relais intermédiaire des 2.5 mètres. Dans ce cas, je ne tombe que de 5 mètres pour une longueur de corde déployée de 5 mètres:
FACTEUR DE CHUTE = 5 / 5 = 1 …ET LE CHOC EST 2 FOIS MOINDRE !

Exemple 2

Les relais intermédiaires sont tous à 5 mètres les uns au-dessus des autres. Tout va bien pour moi. Je suis à 30 mètres au-dessus du relais et je lâche encore prise juste avant d’avoir mousquetonné. Je tombe à nouveau de 10 mètres mais cette fois la longueur de la corde déployée est de 30 mètres:
FACTEUR DE CHUTE = 10 / 30 = 0.33 …ET LE CHOC, EN THEORIE, EST 6 FOIS MOINDRE QUE DANS L’EXEMPLE 1.

En théorie seulement, car en pratique c’est différent !

En pratique

Dans le terrain, le frottement de la corde dans les mousquetons et sur le rocher a pour effet de diminuer la longueur de corde efficace pour l’absorption du choc. Cela équivaut à augmenter le facteur de chute théorique.

Concrètement, un facteur de chute réel ne sera pratiquement jamais inférieur à 0.5

Pour réduire au maximum le facteur de chute réel, on peut utiliser une corde à double en mousquetonnant alternativement chaque brin pour réduire les frottements. Il est également possible d’utiliser une dégaine « Explose » qui se déchire en partie à partir d’une certaine force et réduit ainsi la force appliquée sur la chaîne d’assurage.

ATTENTION: En via-ferrata le facteur de chute peut être supérieur à 2.

La chaîne d’assurage

La chaîne d’assurage

Une chaîne d’assurage est au minimum constituée par un point d’encrage, un mousqueton, une corde et le baudrier de celui qui est assuré.

D’autres éléments, tels que sangles, cordelette, coinceurs, broches à glace etc…, peuvent faire partie d’une chaîne d’assurage. Il est important d’avoir toujours à l’esprit que…

…la solidité d’une chaîne d’assurage est égale à son maillon le plus faible !

Partant de cette constatation, un relais constitué de deux broches à glace, deux mousquetons et une cordelette de 4 mm de diamètre n’est qu’illusion.

Le tableau ci-dessous donne une indication sur la résistance statique de quelques éléments d’une chaîne d’assurage.

Résistances statiques comparées

kN Kg
Force maximale lors d’une chute en facteur 2 12 1220
Mousqueton, selon grand axe, doigt fermé 20 2040
Câble de coinceur 2 mm 2.5 250
Câble de coinceur 4 mm 9.8 1000
Sangle 2 bandes 10 1020
Sangle 4 bandes 20 2040
Cordelette 4 mm 3.2 325
Cordelette 7 mm 9.8 1000
Cordelette 8 mm 12.8 1305
Lunule 10 cm 6 – 7 610-715
Lunule 20 cm 12 1225
Broche à glace 9 – 11 915-1120

Plus d’informations ?..  Voir : Petzl et Alpiniste.fr

Le relais

Le relais

Le relais doit être absolument sûr et, si possible, confortable car c’est aussi un moment de repos.

S’arrêter avant d’être en bout de corde afin de conserver une distance de freinage suffisante en cas de chute (assurage dynamique).

S’auto-assurer dès l’arrêt. Pour changer de point d’auto-assurage, d’abord s’assurer au second avant de quitter le premier. Ne jamais être en défaut d’assurage.

Avaler le « mou » de la corde avant de faire le nœud d’assurage pour faire monter le compagnon.

Éviter de laisser pendre la corde sous le relais, la lover au fur et à mesure.

Si la corde est utilisée pour un rappel, avant de la quitter, relier le baudrier à un point d’assurage avec une cordelette ou une sangle.

Lorsque deux grimpeurs se retrouvent au relais, bien étudier les manœuvres de corde avant de les entreprendre, et personne à aucun moment ne se retrouvera non-assuré.

Ne pas précipiter le départ du premier avant que la corde ne soit bien préparée (il peut être très dangereux d’arrêter le premier lors de sa progression pour défaire un nœud dans la corde !).

Voir la vidéo

Plus d’info ?.. ici